[Trigger Warning suicide, hôpital (psychiatrique), enfermement.]
Les brancardiers sont
arrivés, deux hommes grands, énormes, je me souviens les avoir à
peine regardé quand ils sont arrivé tant j'en avais pas grand chose
à faire. C'était la deuxième fois que je sortais de cette chambre
d'hôpital depuis qu'on m'avait réanimé, j'essayais de retrouver
l'automatisme un peu étrange de marcher, celui d'accorder ses
mouvements et si j'avais fait mine d'être presque ok pour l'hôpital
psychiatrique quand ma mère est arrivée pour venir m'apporter mes
affaires, le brancard, les sacs, son regard, m'a fait réaliser où
je partais vraiment. Je partais me faire interner. Maman m'a dit que
ce n'était pas le cas, qu'on internait les fous à l'asile, mais à
ce que je sache, j'étais folle et on me mettait moi aussi dans un
asile. Je l'avais déjà supplié la veille de ne pas m'y placer, de
me ramener à la maison et de juste me laisser me réadapter, mais
elle avait refusé. J'ai pleuré pleuré fort. Mais là, devant le
brancards, une fois les sacs embarqués, je me suis juste sentie
prise au piège, encore plus qu'avant. Et je pensais que jamais de ma
vie je n'allais me sentir aussi contrainte, mais j'avais tort. On m'a
fait m'allonger sur le matelas entouré de métal et les hommes m'ont
soulevés, j'ai pensé qu'ils étaient extrêmement forts mais cette
pensée à vite été chassée par les larmes silencieuses de la peur
qui me grattait le ventre. Je ne savais pas où j'allais, tout ce
qu'on m'avait dit c'était que c'était un hôpital psychiatrique, en
Picardie. Après j'ai su que c'était à Clermont, dans l'Oise. J'ai
retrouvé mon téléphone, envoyé quelques sms, ma copine me
manquait à n'en plus pouvoir, mon meilleur ami et ses mots
rassurants étaient comme une part de moi à laquelle je n'avais plus
accès. On m'a fait monter dans l'ambulance et commencé à rouler.
Un homme, un des brancardiers à commencé à me raconter sa vie. Je
n'avais pas envie d'écouter, je n'avais pas envie qu'il me parle. Je
n'avais pas besoin de connaître sa vie à lui alors que tant
d'autres m’inquiétaient déjà et que je venais de retrouver la
mienne. Il me disait de lui dire s'il me gênait, lui dire si je le
gêne. Non, personne ne dit ça. Personne ne dit à son ambulancier
quand ille sort d'un service de réanimation en vue d'aller dans un
HP « ta gueule mec, j'en ai rien à faire ». J'ai posé
quelques questions, fais mine d'écouter. J'avais mal au crâne, le
trajet n'en finissait pas. Il me parlait de reprendre les études que
j'avais définitivement arrêté depuis novembre suite à une phobie
scolaire sévère.
« Pourquoi tu fais plus d'études ? »
« Parce que je suis
malade »
« Bah j'ai été
obèse j'ai quand même fait des études. »
« C'est bien pour
vous. »
J'ai tourné la tête de
l'autre côté, fermée autant qu'on le peut quand on est dans un
brancard à côté d'un homme chauve de 55 ans qui s'ennuie. La
discussion s'est diminuée jusqu'à ce qu'on finisse par arriver. On
m'a fait patienter plusieurs heures seule dans un accueil, un infirmier a
fini par me parler et noter en un quart d'heure quelques informations
sur moi dans un bureau. C'était un homme agréable, mais je sentais
que c'était parce que j'étais une jeune fille blonde et blanche
qu'il était aussi gentil, il l'a dit plusieurs fois après "vous n'avez pas votre place ici". Deux heures après on m'a fait rencontrer
une psychiatre accompagnée de l'infirmier à qui j'avais
précédemment parlé. Elle était rude, sévère, je me sentais
agressée et non libre, je balançais mes pensées comme je pouvais
« oui j'ai été dans plusieurs relations abusives, oui je me
suis faite violée, oui je connais pas mon père, oui j'ai coupé
contact avec le reste de ma famille, oui oui oui tout ça tout ça
oui j'ai déjà essayé de mourir il y a quelques mois oui oui ».
L'infirmier m'a gentiment
donné quelques cigarettes, j'ai pu sortir les fumer dehors, on m'a
fait voir un médecin, histoire de contrôler si tout allait bien
encore. L'infirmier m'a autorisé à prendre une douche dans une des
cellules d'enfermement. Quand il a ouvert la porte de la cellule j'ai
sentie la peur se mettre à gratter de plus belle dans mon ventre
quand elle c'était adoucie avec ces heures d'attentes. Dans la
pièce, un lit en fer visé au sol, des attaches en cuir pour les
poignets et les pieds. Rien d'autre dans cette pièce. Juste à côté
une petite salle de bain avec un lavabo des toilettes et une douche
au plafond. L'eau était froide et a vite inondé la salle de bain.
J'avais froid et je me concentrait sur cette douleur physique plutôt
que sur le reste. C'est en retirant mes vêtements que j'ai vu les
marques bleues, violettes, vertes, oranges et rouges sur mes bras.
D'énormes bleus faits par les perfusions. Et ce n'était que le
début de leur camaïeu.
Je continuerai bientôt.
Louve.
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